Clause de non-concurrence : des conditions précises de validité
Publié le 21 Oct 2024
Temps de lecture : 8mn
Gestion sociale
À l’occasion de l’embauche d’un nouveau collaborateur peut se poser la question de la clause de non-concurrence à prévoir dans le contrat de travail : à quoi sert cette clause, est-elle obligatoire, quelles sont les conditions de sa validité ?
Clause de non-concurrence : une obligation ?
Parce que la clause de non-concurrence est une clause relativement contraignante pour le salarié à qui elle s’applique, la question de son intérêt et de son utilité se pose.
Clause de non-concurrence : des distinctions à connaître
Une clause de non-concurrence impose au salarié une interdiction d’exercer une activité concurrente à celle de l’entreprise qui l’emploie, une fois le contrat de travail rompu, pour quelque cause que ce soit. Le fondement de cette clause repose ici sur la protection légitime des intérêts de l’entreprise qui souhaite se protéger d’une concurrence future.
Elle se distingue de la clause d’exclusivité : cette seconde clause impose au salarié de ne pas exercer une autre activité pendant qu’il est en poste dans l’entreprise.
Elle se distingue également de l’obligation faite à un salarié de ne pas commettre d’acte de concurrence déloyale : la concurrence déloyale se caractérise par des actes ou des comportements contraires à la morale des affaires et qui viennent fausser le libre jeu de la concurrence, préjudiciables à l’entreprise, alors que la clause de non-concurrence se caractérise par une atteinte à la liberté de travailler du salarié, afin de limiter la concurrence possible que le salarié peut faire à l’entreprise.
Clause de non-concurrence : un intérêt à mesurer
Une clause de non-concurrence, qui n’a aucun caractère obligatoire et dont la mise en place dépend, donc, de la bonne volonté des parties au contrat de travail, présente un intérêt à partir du moment où l’entreprise peut trouver un enjeu à se protéger vis-à-vis d’un salarié qui serait amené à travailler dans le cadre d’une activité concurrente, soit à son compte, soit pour le compte d’un concurrent de l’entreprise.
C’est pourquoi cette clause est souvent mise en place dans les contrats de travail des salariés occupant un poste stratégique, en contact avec la clientèle, et/ou qui leur permet d’acquérir un savoir-faire spécifique, etc.
Inversement, elle ne présentera pas nécessairement d’intérêt vis-à-vis d’un salarié qui n’est jamais en contact avec la clientèle ou des partenaires stratégiques de l’entreprise ou dont les attributions et fonctions sont limitées. D’ailleurs, les juges ont déjà eu l’occasion de se prononcer pour déclarer nulle une clause de non-concurrence dans ce cas puisqu’elle n’apparaît pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.
Clause de non-concurrence : une précaution ?
Parce qu’une clause de non-concurrence opposée à un salarié vise à l’empêcher d’exercer une activité professionnelle pendant une durée définie, elle est encadrée par des conditions de validité strictes, ce qui implique d’être précis dans la rédaction de la clause de non-concurrence.
Il faut savoir que seul le salarié peut se prévaloir de la nullité de la clause de non-concurrence : si le salarié se voit dans l’obligation de respecter une clause qui s’avère nulle, il subit un préjudice qui peut justifier le paiement de dommages-intérêts par son employeur.
En outre, en présence d’une clause nulle, le salarié retrouve toute sa liberté à la fin de son contrat de travail (mais cela ne l’autorisera toutefois pas à commettre des actes de concurrence déloyale).
Clause de non-concurrence : un intérêt légitime
Au-delà du fait que la clause de non-concurrence doit être prévue dans le contrat de travail, ce qui tend à établir qu’elle a été acceptée par le salarié et devient alors opposable, cette clause, pour être valable, doit, avant tout, être indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise. Il s’agit là d’une condition essentielle strictement interprétée par les juges.
Cette condition s’appréciera au regard de l’activité de l’entreprise, de sa situation concurrentielle, de son marché, etc., mais aussi au regard de la situation du salarié dans l’entreprise (nature du poste, contacts stratégiques avec la clientèle ou des partenaires, accès à des informations sensibles ou essentielles, à un savoir-faire spécifique, etc.).
Clause de non-concurrence : une limitation dans le temps et dans l’espace
Pour qu’elle soit valable, la clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Une clause qui prévoirait une interdiction de concurrence d‘une durée trop longue, compte tenu de la nature de l’emploi du salarié, entraînerait sa nullité.
Il faut, aussi, veiller à ce que la clause n’aboutisse pas à une impossibilité pour le salarié d’exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle.
Quant à son étendue géographique, il est impératif que la clause ne porte pas une atteinte excessive au libre exercice d’une activité professionnelle par le salarié. L’absence de l’une ou l’autre de ces deux conditions entraîne la nullité de la clause de non-concurrence.
Clause de non-concurrence : indemnisation
Parce qu’elle empêche le salarié de s’ouvrir à de nouvelles opportunités d’emploi, dans les conditions prévues par la clause de non-concurrence, cette clause doit prévoir une contrepartie financière. Une clause qui ne prévoirait pas de contrepartie financière ou une contrepartie qualifiée de dérisoire par un juge, serait nulle.
Le montant de cette contrepartie doit être déterminé au regard de l’atteinte à la liberté professionnelle du salarié qu’elle induit. À cet égard, il est recommandé de consulter la convention collective applicable à l’entreprise qui peut prévoir le quantum de cette contrepartie.
Si le salarié exerce une activité concurrente en méconnaissance des limites fixées par la clause de non-concurrence, et à supposer que cette clause soit évidemment licite, il perd son droit à la contrepartie financière.
Focus sur l’indemnisation de la clause de non-concurrence
Indemnisation : un montant à prévoir
Le montant de l’indemnité sera celui qui est prévu au contrat ou, le cas échéant, dans la convention collective. Cette indemnité est, en principe, déterminée en fonction de l’atteinte qui est portée au salarié à qui l’entreprise interdit d’exercer une activité concurrente, pendant un temps donné et sur une zone précise.
Il est impératif, non seulement de respecter le montant minimum fixé le cas échéant dans la convention collective, mais aussi d’éviter une contrepartie d’un montant trop faible ou dérisoire, ce qui pourrait s’apparenter à un défaut de contrepartie financière, cause de nullité de la clause de non-concurrence.
Il faut noter qu’il n’est pas possible de minorer le montant d’une indemnité pour quelque raison que ce soit (par exemple, en cas de démission ou de licenciement pour faute).
Contrepartie financière : un versement à prévoir
Le versement de l’indemnité doit intervenir après la rupture du contrat (en une seule fois ou en paiement échelonné pendant la période d’interdiction). Il n’est pas possible de prévoir le paiement de cette indemnité avant la fin du contrat, par exemple en même temps que le paiement de la rémunération due au salarié.
Une renonciation possible
Il est possible de ne pas verser la contrepartie financière, à la condition, toutefois :
- de renoncer à l’application de la clause de non-concurrence et pour autant que cette faculté de renonciation soit prévue dans le contrat de travail ou dans la convention collective applicable à l’entreprise (expressément référencée dans le contrat de travail)
- que les délais de renonciation soient respectés.
Si aucun délai de renonciation n’est fixé dans le contrat de travail ou dans la convention collective, la renonciation à l’application de la clause de non-concurrence doit intervenir, au plus tard, au moment de la rupture effective du contrat de travail.
Le juge a, en effet, eu l’occasion de préciser qu’une clause qui permettrait à un employeur de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations que la clause de non-concurrence fait peser sur le salarié est nulle, car elle laisse ce dernier dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.
Une précaution mérite ici d’être signalée, concernant l’exécution du préavis : si l’entreprise dispense le salarié d’effectuer son préavis à l’occasion de son départ de l’entreprise, la renonciation à la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail doit intervenir, au plus tard, à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, quelles que soient les dispositions contractuelles ou conventionnelles ; et si le salarié n’exécute pas son préavis alors que l’entreprise ne l’en a pas dispensé, une renonciation pendant toute la durée de ce préavis non-exécuté est valable.
Il faut noter, à ce sujet, qu’une renonciation tardive ne dispensera pas l’entreprise du versement de l’indemnité.
D’autre part, en matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit toujours le faire, au plus tard, à la date de rupture fixée par la convention, même si le contrat de travail prévoit des modalités différentes.
Il est, enfin, impératif de respecter les conditions et le formalisme de la renonciation, tels que prévus dans le contrat de travail.
Sources :
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 10 juillet 2002, n° 99-43334 à 99-43336 (conditions de la clause de non-concurrence)
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 1er juin 2022, n° 21-11921 (clause de non-concurrence et concurrence déloyale)
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 avril 2008, n° 07-41289 (clause de non-concurrence non indispensable à la protection des intérêts de l’employeur)
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 décembre 2021, n° 20-18144 (la clause de non-concurrence ne doit pas empêcher le salarié de trouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience professionnelle)
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 18 janvier 2018, n° 15-24002 (pas de minoration de l’indemnité selon le type de rupture du contrat)
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 mars 2015, n° 13-22257 (renonciation en cours de contrat)
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 2 décembre 2015, n° 14-19029 (pas de renonciation postérieure au contrat)
• Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 mars 2013, n° 11-21150 (date de renonciation à la clause de non-concurrence et dispense de préavis).
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