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Intelligence artificielle, droit d’auteur et propriété intellectuelle : on en est où ?

Publié le 05 Juil 2024

Temps de lecture : 6mn

Juridique

Sommaire

Si l’intelligence artificielle (IA) n’en finit pas de bouleverser les pratiques des entreprises, elle éprouve également les règles déjà en place et les méthodes de travail. Si les pouvoirs publics se sont saisis du sujet, il n’en demeure pas moins que de nombreuses questions restent en suspens, notamment celles relatives à la propriété intellectuelle…

La propriété intellectuelle en France : de quoi parle-t-on ?

Pour rappel, le droit de la propriété intellectuelle regroupe deux grands ensembles.

D’une part, il comprend la propriété artistique et littéraire qui a pour objet la protection des œuvres de l’esprit à condition que ces dernières soient dites « originales ».

Sont notamment protégés les livres, les œuvres cinématographiques, les œuvres de dessins, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie, les logiciels, etc.

D’autre part, il comprend la propriété industrielle qui protège et valorise les inventions, les innovations et les créations industrielles ou commerciales, à savoir :

  • les créations techniques grâce aux brevets, aux certificats d’obtention végétale et aux topographies de semi-conducteurs ;
  • les créations ornementales, autrement dit les dessins et modèles ;
  • les signes distinctifs, c’est-à-dire les marques, dénomination sociale, nom commercial, enseigne, noms de domaine, appellations d’origine et indications de provenance.

Les problématiques liées à l’IA

Jusqu’ici, les questions relatives à la titularité des droits de propriété intellectuelle étaient « limitées ».

Il s’agissait, très schématiquement, de savoir si :

  • une œuvre de l’esprit avait un caractère « original » ;
  • une invention n’était pas déjà protégée au titre de la propriété industrielle avant d’accorder une protection à une personne, de type brevet, par exemple.

Sauf qu’avec l’IA, les choses se complexifient davantage. En effet, l’IA est un ensemble d’outils qui peut être utilisé par une machine afin de reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité.

Jusqu’à très récemment, même lorsqu’une œuvre émanait d’une machine, l’apport créatif de l’humain était encore très important, ce qui faisait assimiler la technologie à un simple « outil ».

Mais l’IA est bien différente sur ce point : parce qu’elle apprend de la masse considérable de données mise à sa disposition, l’apport de l’humain à l’origine de la requête se dilue tout autant, ce qui pose question en matière de protection de la propriété intellectuelle.

À partir de là, qui est propriétaire du résultat obtenu grâce à l’IA ? La personne ayant fait la requête ? Le programmateur à l’origine de la capacité de l’IA à apprendre ? La société ayant mis en place l’IA ?

Ces questions ne sont pas tranchées. En France, les droits relatifs à la propriété intellectuelle ne sont reconnus qu’aux personnes juridiques, c’est-à-dire aux personnes physiques (les particuliers) et aux personnes morales (les entreprises notamment).

Par conséquent, en l’état actuel du droit, une IA ne peut pas être titulaire de droits de la propriété intellectuelle tout simplement car elle n’a pas de personnalité juridique. En revanche, la question reste entière en ce qui concerne la société à l’origine de l’IA. Peut-elle se prévaloir d’une invention obtenue par son IA ?

De même, qu’advient-il de la garantie des droits intellectuels lorsqu’une IA apprend et réutilise les travaux protégés ?

Que dit l’IA Act ?

Pour rappel, l’IA Act est un règlement européen approuvé le 21 mai 2024 par les États de l’Union européenne. Ce texte a vocation à créer un espace harmonisé de règles avec un double objectif : faire de l’Union européenne un espace privilégié pour l’innovation en matière d’IA, tout en assurant et garantissant la transparence et le respect des droits fondamentaux des citoyens.

Pour cela, l’IA Act a adopté une réglementation basée sur les risques de l’IA avec :

  • les systèmes purement et simplement interdits car présentant des risques inacceptables (par exemple, la notation sociale) ;
  • les systèmes d’IA à haut risque : s’ils ne sont pas interdits, ils devront répondre à des obligations et des exigences, notamment de traçabilité et de transparence, accrues ;
  • les systèmes d’IA à risque modéré qui devront respecter des obligations de transparence, notamment en avertissant l’utilisateur que le contenu livré a été réalisé au moyen d’une IA.

En résumé, l’IA Act se concentre sur la question de la sécurité des utilisateurs et du respect de leurs droits et libertés fondamentaux.

Autrement dit, la question de la propriété intellectuelle n’est pas abordée par ce règlement.

Il en est de même avec la Convention-cadre sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit, adoptée par 46 pays membres du Conseil de l’Europe, le 17 mai 2024.

Ce traité est, en effet, centré sur :

  • la prise de mesure pour que les responsables des systèmes d’IA anticipent et atténuent les risques ;
  • l’évaluation de la nécessité de moratoires ou d’interdictions, si l’utilisation de ces systèmes menace les droits fondamentaux ;
  • la mise en place de voies de recours pour les victimes, en cas de violation des droits de l’homme ;
  • l’instauration d’un organisme indépendant chargé de surveiller l’application des règles établies par le traité.

En conclusion

S’il ne fait aucun doute que l’IA est en passe de devenir un outil précieux, notamment pour les entreprises, les questions de propriété intellectuelle sont loin d’être réglées.

En attendant que des règles et des décisions permettent d’y voir plus clair, veillez, avant d’utiliser une IA, à bien lire les conditions d’utilisation établies par la société mettant à votre disposition cet outil.

En effet, en l’absence de législation spécifique, ce sont ces éléments contractuels qui s’appliquent, notamment pour la diffusion des éléments générés par une IA.

En cas d’utilisation de l’IA comme outil d’aide à la création, gardez à l’esprit qu’en l’état actuel du droit, l’élément central est l’originalité de l’œuvre qui s’interprète comme l’apport de l’auteur. Conservez donc tous les éléments (recherches, croquis, brouillons) qui prouvent votre travail en amont et votre apport.

Cette précaution vaut également pour les innovations : conservez toutes les traces qui vous permettront de démontrer votre travail de recherche.

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