Projet de loi de finance et de financement de la sécurité sociale pour 2025 : décryptage
Publié le 25 Oct 2024
Temps de lecture : 12mn
Fiscalité
Selon les prévisions budgétaires reprises dans le budget 2025 présentées par le Gouvernement, il est envisagé un effort de l’ordre de 60 milliards d’euros en 2025, comme suit :
- une partie pourrait s’accompagner par une baisse de la dépense publique ;
- une autre partie, par des contributions exceptionnelles, temporaires et ciblées sur les entreprises et les ménages qui peuvent participer à cet effort de solidarité.
Concrètement, cela se traduit par des mesures fiscales et sociales envisagées et reprises dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont un panorama vous est ici présenté.
Le contexte budgétaire
En 2025, selon le Gouvernement, la prévision de croissance s’élèverait à nouveau à 1,1 %, essentiellement tirée par la demande intérieure privée dans un contexte de baisse de l’inflation, laquelle achèverait sa normalisation en se stabilisant sous 2 %, à 1,8 % en moyenne annuelle.
La consommation des ménages (+1,3 %) s’accélérerait, grâce au reflux confirmé de l’inflation. L’investissement se stabiliserait, tant pour les ménages que pour les entreprises, grâce à la détente des conditions de financement. Les exportations profiteraient d’une demande mondiale mieux orientée.
Ce contexte favorable et le ciblage des mesures de redressement sur des dépenses publiques peu efficaces et sur des agents à plus fortes capacités contributives permettraient, selon le Gouvernement, de réduire le déficit sans grever la croissance.
En effet, comme cela est présenté dans le projet de loi de finances pour 2025, ces mesures de redressement porteront, prioritairement, sur la dépense, qui représente près de 57 % du PIB en France, en 2023.
Sur les 60 Md€ d’économies à réaliser, les deux tiers (soit environ 40 Md€) seront portés par des mesures de modération et de réduction de la dépense publique, selon un partage voulu équitable entre l’État, ses opérateurs, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale.
Les mesures sur les recettes représentent environ un tiers de l’effort total de consolidation des comptes publics, soit environ 20 Md€, qui sera demandé aux plus grandes entreprises qui réalisent des profits et aux plus hauts revenus, via des hausses de prélèvements obligatoires ciblées et temporaires, afin de ne pas pénaliser la compétitivité, l’investissement et donc la croissance.
Les mesures fiscales envisagées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025
Les mesures fiscales envisagées par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) intéressent autant les entreprises que les particuliers.
Principales mesures fiscales visant les entreprises
Voici un panorama des principales mesures fiscales envisagées pour les entreprises :
- Il est prévu une augmentation du malus écologique applicable aux véhicules de tourisme des entreprises :
- renforcement de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme (dite « malus CO2 ») : le barème est renforcé, en abaissant son seuil de 5 g/CO2/km en 2025 et de 7 g/CO2/km en 2026 et 2027, pour atteindre à cette date une taxation dès 99 g/CO2/km émis ; parallèlement, pour cibler spécifiquement les véhicules les plus émetteurs, le tarif maximum est renforcé de 10 000 € par an pour atteindre 90 000 € en 2027 sur ces véhicules ;
- renforcement, en 2026, de la taxe sur la masse en ordre de marche (dite « malus masse »), en abaissant de 100 kg son seuil de déclenchement, actuellement fixé à 1 600 kg par véhicule ;
- limitation, dès 2025, du bénéfice de l’abattement du malus masse dont profitent aujourd’hui tous les véhicules hybrides non-rechargeables aux seuls véhicules performants sur le plan environnemental ;
- adaptation des abattements pour les entreprises acquérant des véhicules d’au moins 8 places pour le malus CO2 et pour le malus masse afin de ne pas pénaliser les véhicules servant au transport collectif ;
2. Instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, redevables de l’impôt sur les sociétés et dont le chiffre d’affaires réalisé en France est supérieur ou égal à 1 Md€, au titre des deux premiers exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024, non déductible du résultat imposable :
- pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 Md€ et inférieur à 3 Md€, le taux de la contribution exceptionnelle sera fixé à 20,6 % pour le 1er exercice clos à compter du 31 décembre 2024 et à 10,3 % pour le 2nd exercice clos à compter du 31 décembre 2024 ;
- pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 3 Md€, ces taux sont respectivement portés à 41,2 % et à 20,6 %.
3. Dans le même ordre d’idée, création d’une contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime, dont le taux sera fixé à 9 % pour le 1er exercice et réduit à 5,5 % pour le 2nd exercice clos à compter du 31 décembre 2024 ;
4. Toujours pour les grandes entreprises, réalisant un chiffre d’affaires individuel ou consolidé de plus d’1 Md€, instauration d’une taxe, non déductible du bénéfice imposable, sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres, calculée au taux de 8 % (sur la base de la somme constituée par le montant de la réduction de capital et une fraction des sommes qui revêtent sur le plan comptable le caractère de primes liées au capital) ;
5. Report de 3 ans de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la trajectoire initiale de baisse des taux prévue de 2025 à 2027 étant décalée de trois ans, soit de 2028 à 2030 : les taux d’imposition à la CVAE sont ainsi maintenus pour les années 2025 à 2027 à leur niveau de 2024, soit, pour le taux maximal, 0,28 % ; ce taux sera ensuite abaissé à 0,19 % en 2028, 0,09 % en 2029, et la CVAE sera totalement supprimée en 2030 ;
6. Le dispositif d’imposition minimale mondiale des groupes serait complété, afin d’y intégrer les règles négociées et adoptées à l’échelle internationale qui concernent, notamment :
- les modalités de détermination de la déduction fondée sur la substance, les règles d’application de l’impôt national complémentaire et du régime de protection relatif à cet impôt ;
- les règles de répartition de l’impôt national complémentaire dû au titre des entités constitutives situées en France appartenant à un même groupe ;
- l’introduction de 2 nouvelles catégories de crédits d’impôt : les crédits d’impôt transférables négociables et les crédits d’impôt transférables non négociables ;
4. Dans le cadre de la coopération administrative, il est prévu des échanges automatiques et obligatoires d’informations dans le domaine fiscal relativement aux actifs numériques au plus tard le 31 décembre 2025, pour une application à partir du 1er janvier 2026 ;
5. Aménagement du dispositif du « planchonnement » applicable aux variations de valeurs locatives des locaux professionnels pour le calcul des impositions locales, qui a pour objet de réduire de moitié les variations constatées, tant à la hausse qu’à la baisse, entre l’ancienne valeur locative et la nouvelle valeur révisée : à compter des impositions dues au titre de 2023, il est rétabli un « planchonnement » figé, calculé selon la situation des locaux au 1er janvier 2017 ;
6. Pour le secteur agricole :
- aménagement de 2 dispositifs de déduction du revenu imposable prévus au bénéfice des exploitants agricoles : la déduction pour épargne de précaution (DEP) et la déduction pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes ;
- relèvement de 20 % à 30 % de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des terres agricoles ;
- mesures d’incitation à la transmission des exploitations agricoles au profit des jeunes agriculteurs ;
- o maintien du tarif d’accise applicable au gazole utilisé pour les travaux agricoles et forestiers ;
7. Intégration des communes anciennement classées en zone de revitalisation rurale dans le nouveau zonage France ruralités revitalisation et prorogation du dispositif d’exonérations fiscales et sociales dans les bassins d’emploi à redynamiser jusqu’au 31 décembre 2027.
Principales mesures fiscales visant les particuliers
Voici un panorama des principales mesures fiscales envisagées pour les particuliers :
1. Les tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR), ainsi que les seuils et limites qui lui sont associés, seront indexés sur la prévision d’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de 2024 par rapport à 2023, soit 2 % ;2. Une contribution permettant d’assurer une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus (ceux dont le revenu de référence dépasse 250 000 € pour un célibataire et 500 000 € pour un couple) est instaurée : dès lors que le taux moyen d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) sera inférieur à 20 % du revenu fiscal de référence (RFR), une contribution différentielle serait appliquée pour atteindre ce niveau d’imposition ;
3. Prorogation, jusqu’au 31 décembre 2031, de l’abattement fixe de 500 000 € applicable aux plus-values de cession de droits sociaux par les dirigeants de PME partant à la retraite qui devait prendre fin au 31 décembre 2024 ;
4. Les tarifs normaux d’accise sur l’électricité en sortie de bouclier tarifaire seront adaptés, afin de garantir au consommateur une baisse de 9 % du tarif réglementé de vente en 2025 à partir du 1er février ;
5. De la même manière que pour les entreprises, et dans les mêmes proportions, il est prévu une augmentation du malus écologique applicable aux véhicules de tourisme des particuliers ;
6. Adaptation de la réfaction de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone et de la taxe sur la masse en ordre de marche pour les véhicules d’occasion, nouvellement immatriculés à compter du 1er janvier 2025 (sous réserve qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une première immatriculation antérieure au 1er janvier 2015) ;
7. Pour le calcul de la plus-value immobilière résultant de la vente d’un bien immobilier loué meublé à titre non professionnel (LMNP), prise en compte des amortissements déduits pendant la période de location qui viennent, ainsi, minorer le prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value ;
8. Mise en cohérence avec le droit de l’Union européenne des taux réduits de TVA sur les opérations de chauffage et, notamment, exclusion de la fourniture et de l’installation de chaudières recourant à des énergies fossiles, dans les locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans, des taux réduits de 5,5 % ou 10 % de TVA ;
9. Modification du régime des bons de souscription des parts de créateurs d’entreprises (BSPCE) :
- interdiction d’inscrire des droits ou bons de souscription ou d’attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un PEA ;
- ouverture du droit au bénéfice des dispositifs de sursis et de report d’imposition pour le gain de cession, de nature patrimoniale, l’impôt afférent au gain d’exercice, de nature salariale et désormais distingué du gain de cession, demeurant quant à lui exigé au moment de l’apport ;
10. À partir de 2025, définition de nouvelles modalités d’établissement de la liste des bénéficiaires du chèque énergie, afin de proposer une solution pérenne.
Les mesures sociales envisagées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Là encore, les mesures envisagées intéressent tant les entreprises que les particuliers.
Principales mesures sociales visant les entreprises
Voici un panorama des principales mesures sociales envisagées pour les entreprises :
1. Pour le secteur agricole, pérennisation du dispositif d’exonération de cotisations patronales applicable pour l’emploi de travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO DE) qui devait initialement prendre fin au 31 décembre 2025 et relèvement de 1,20 SMIC à 1,25 SMIC du plafond de la rémunération donnant lieu à exonération totale à compter du 1er mai 2024 ;2. Permettre aux jeunes agriculteurs de cumuler l’exonération partielle dégressive dont ils bénéficient actuellement avec les mécanismes de réduction des taux de la cotisation d’allocations familiales et de la cotisation d’assurance maladie, invalidité et maternité ;
3. Aménagement du régime de la réduction générale des cotisations et contributions patronales, en fusionnant d’ici à 2026 les différents dispositifs applicables en vue d’en simplifier l’appréhension : le dispositif unique ainsi créé continuerait de réduire les cotisations patronales pour des rémunérations allant jusqu’à 3 SMIC tout en diminuant le taux maximum de la réduction au niveau du SMIC de 2 points ;
4. Suppression des mécanismes de réduction de taux sur les cotisations patronales d’assurance maladie et d’allocations familiales ;
5. En matière d’apprentissage, il est proposé :
- d’une part, de réduire les exonérations dont l’efficience n’est pas avérée, en abaissant par décret le seuil d’exonération de cotisations sociales de 79 % à 50 % du SMIC (les cotisations seraient donc dues sur la fraction excédentaire) ;
- d’autre part, d’assujettir à la CSG et à la CRDS les rémunérations des apprentis au delà de 50 % du SMIC, qui sont aujourd’hui complètement exemptées de contributions ;
6. Dans le secteur maritime, il est proposé de restreindre le bénéfice du dispositif d’exonération de cotisations patronales aux seuls navires de transport de passagers ;
7. Dans le secteur de l’innovation, le PLFSS 2025 entend supprimer l’exonération de cotisations patronales pour les JEI et les JEC. Seules les « Jeunes entreprises universitaires » auraient encore droit à l’exonération. La mesure serait applicable pour les cotisations dues au titre des périodes d’activité courant à partir du 1er janvier 2025 ;
8. Dans le secteur du transport, spécifiquement en ce qui concerne le transport sanitaire par taxi, modification des dispositions relatives aux relations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les représentants des entreprises de taxis afin, d’une part, d’élargir les critères pouvant être pris en compte en matière de conventionnement des taxis et, d’autre part, de définir de manière précise l’ensemble des éléments fixés par la convention cadre nationale ;
9. Extension de la mesure de plafonnement des rémunérations en intérim médical aux personnels non médicaux et de maïeutique des établissements publics sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
Principales mesures sociales visant les particuliers
Voici un panorama des principales mesures sociales envisagées pour les particuliers :
1. Modification des modalités de calcul des retraites agricoles, afin que celles ci soient calculées, à terme, sur la base des 25 meilleures années de revenus, dans un objectif d’amélioration des droits à pension des exploitants agricoles ;2. Modérer la progression des pensions en 2025, en reportant du 1er janvier au 1er juillet la revalorisation des prestations d’assurance vieillesse, tout en conservant une revalorisation calculée sur une période de 12 mois (cette mesure ne s’appliquerait pas à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ni aux allocations du minimum vieillesse, qui resteront revalorisées au 1er janvier) ;
3. Conditionner la prise en charge de dispositifs médicaux à la remontée de données, permettant, ainsi, de modifier la prise en charge du patient au regard des différents résultats obtenus, de l’orienter, si besoin, vers une alternative plus appropriée, voire de mettre fin à la prise en charge en cas de faible utilisation des dispositifs ;
4. Amélioration du régime d’indemnisation AT/MP, en garantissant la nature duale de l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui doit couvrir, à la fois, le préjudice économique et une part des préjudices extra professionnels de la victime.
Sources :
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