Vente de l’entreprise : information obligatoire des salariés ?
Publié le 10 Déc 2024
Temps de lecture : 4mn
Depuis 2014, un dirigeant d’entreprise qui envisage de vendre son entreprise est dans l’obligation d’informer, au préalable, ses salariés, afin de leur permettre, le cas échéant, de se positionner sur cette vente et de lui proposer une offre de rachat. Quelles sont les opérations concernées, à qui s’applique cette obligation, pour quelles conséquences ?
Vente de l’entreprise et information des salariés : un cadre précis
Dans ce domaine, il faut savoir que plusieurs obligations s’imposent aux TPE et PME.
Les dirigeants d’entreprises :
- de moins de 250 salariés et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 M€
- ou dont le total de bilan n’excède pas 43 M€
sont tenus d’informer les salariés lorsqu’une vente de l’entreprise est envisagée, afin de leur permettre de présenter une offre d’achat.
Cette information préalable des salariés n’est obligatoire qu’en cas de vente :
- du fonds de commerce
- ou de vente d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une SARL
- ou de vente des actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions, et ce, même si un droit d’agrément, de préférence ou de préemption est prévu.
Échappent toutefois à cette obligation d’information :
- la cession d’un bloc minoritaire à un autre actionnaire,
- la vente d’un fonds artisanal, la loi ne visant que les fonds de commerce),
- les cessions réalisées au profit du conjoint, d’un ascendant ou d’un descendant,
- les transmissions d’entreprise réalisées dans le cadre d’une succession ou d’une liquidation du régime matrimonial.
En outre, cette obligation ne s’impose pas aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Vente de l’entreprise et information des salariés : des modalités précises
La situation sera différente selon que l’entreprise est ou non soumise à l’obligation de mettre en place un comité social et économique (CSE).
L’entreprise n’a pas de CSE
Dans cette hypothèse, il revient au propriétaire de l’entreprise dont la vente est envisagée d’informer les salariés de son projet de vente.
Cette information faite aux salariés doit être délivrée au moins 2 mois avant la réalisation de la vente de l’entreprise, sauf si tous les salariés ont fait part de leur décision explicite et non équivoque de ne pas présenter d’offre avant l’expiration du délai de 2 mois.
L’entreprise est soumise à l’obligation de mettre en place un CSE
Si l’entreprise est dotée d’un CSE, le dirigeant ou l’exploitant doit informer les salariés du projet de vente, au plus tard, au moment où le CSE est saisi pour avis sur le projet de vente.
Le contenu de l’information
L’information délivrée aux salariés ne porte, a minima, que sur la volonté du dirigeant de procéder à la vente de l’entreprise ou de ses parts ou actions et sur la possibilité faite aux salariés de présenter une offre d’achat.
Il est, toutefois, requis de préciser que les salariés ont la possibilité de se faire assister de la personne de leur choix et de rappeler qu’ils sont tenus à une obligation de discrétion, dont le non-respect pourra être sanctionné sur le plan disciplinaire.
Il faut savoir que le dirigeant n’est pas tenu de communiquer d’autres informations, et notamment des informations relatives au fonctionnement, à la comptabilité ou à la stratégie de l’entreprise.
Cette information est valable 2 ans : une fois tous les salariés informés du projet de cession, le dirigeant dispose d’un délai maximal de 2 ans pour réaliser la vente de l’entreprise, sans avoir l’obligation d’informer à nouveau les salariés en cas de nouveau projet de cession.
Les modalités pratiques de diffusion de l’information
Il est impératif d’être en mesure de prouver que l’ensemble des salariés (y compris ceux en congés, en congés maladie ou maternité) ont effectivement été informés du projet de vente de l’entreprise. Cela peut donc se faire, notamment :
- au cours d’une réunion d’information à l’issue de laquelle ils signeront une feuille d’émargement ;
- par voie de courrier recommandé avec AR ;
- par courrier remis en mains propres contre décharge ;
- par mail, à la condition d’utiliser un procédé qui permet de certifier la date de réception ;
- par voie d’affichage, en y associant un registre permettant aux salariés d’attester qu’ils ont pris connaissance de cet affichage ;
- etc.
Vente de l’entreprise et information des salariés : une sanction possible
Dans l’hypothèse où un ou plusieurs salariés font part de leur souhait de présenter une offre, le dirigeant n’est contraint par aucune obligation.
En particulier, il reste libre d’entrer ou non en négociation avec lui et n’a aucune obligation de répondre à cette offre. En outre, un refus de sa part d’étudier ou d’accepter une offre n’a pas à être motivé.
Cela étant, il faut savoir que le non-respect de cette obligation par le dirigeant, que ce soit le simple fait de ne pas voir informé les salariés ou de les avoir informés tardivement ou de manière incomplète, peut entraîner les risques suivants :
- le dirigeant encourt la mise en jeu de sa responsabilité civile ;
- l’entreprise encourt le risque d’une amende dont le montant, laissé à l’appréciation du juge, ne peut excéder 2 % du montant de la vente.
Sources :
- Loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (article 18)
- Loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
- Décret no 2015-1811 du 28 décembre 2015 relatif à l’information des salariés en cas de vente de leur entreprise
- Décret no 2016-2 du 4 janvier 2016 relatif à l’information triennale des salariés prévue par l’article 18 de la loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire
- Décision du Conseil constitutionnel no 2015-476 QPC du 17 juillet 2015
- Articles L 23-10 à L 23-10-12 du code de commerce
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